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La correction « tends tes jambes »

Indéniablement, la correction « rentre tes fesses » amène à aborder la correction « tends tes jambes ». Mais cette correction, qui a l’air assez simple, est-elle réellement aussi mécanique que nous pourrions le penser ? Nous allons parcourir ensemble les différents types de morphologies à prendre en compte, pour trouver la sensation adaptée par une image conscientisée.

Pour chaque corps, une approche différente ?

Il existe un très grand nombre de morphologies chez les humains, mais en ce qui concerne les jambes, il y en a principalement cinq : valgum, varum, hyperextension, flexum et normal. Ces positions proviennent du positionnement du genou par rapport à l’axe hanche-cheville. Dès le début de notre apprentissage de la danse, nous voyons que notre morphologie et ses capacités peuvent être d’une grande aide ou un énorme frein. Ainsi déjà la correction « tends tes jambes » ne peut pas avoir la même conséquence esthétique et morphologique chez chacun d’entre nous.

Les jambes valgum
Jambes Valgum

Lorsque les jambes ont un genu valgum, ou dans le language courant « en x », un ou les deux genoux se rapprochent vers l’intérieur alors que les chevilles s’écartent.

La position du genu valgum est une réelle pathologie après l’âge de 7 ans (avant c’est une possible étape physiologique bénigne chez l’enfant). Elle peut même gêner dans certains mouvements comme la marche par exemple et provoquer une raideur de l’articulation du genou ainsi qu’une atteinte des cartilages de l’articulation. En fonction de la sévérité de la pathologie, différents traitements plus ou moins conséquents peuvent être proposés après une visite chez un médecin.

Dans le cadre de la danse classique, cette forme valgum, n’aidera pas à sentir un certain en-dehors homogène sur toute la jambe (depuis la hanche jusqu’au pied) car le bas de jambe est déjà tourné vers l’extérieur par rapport au haut de jambe tourné vers l’en-dedans. Mais dans le cadre de pathologie légère, la danse classique pourra permettre une certaine musculation pour rééquilibrer les tensions exercées sur l’articulation du genou et créer, d’une certaine manière, un réalignement hanche-genou-cheville. Par rapport à la correction « tends tes jambes », l’action de tendre juste mécaniquement la jambe, accentuera la pathologie du genu valgum.

Les jambes varum
Jambes Varum

Lorsque les jambes ont un genu varum, ou dans le language courant « jambes arquées », un ou les deux genoux sont déviés vers l’extérieur en s’éloignant l’un de l’autre. Naturellement présent de la naissance jusqu’aux 3 ans de l’enfant, cette pathologie est plus rare chez une personne adulte. Néanmoins dans le cas présent, elle peut être traitée par différents soins après consultation chez un médecin.

Dans le cadre de la danse classique, ce positionnement des jambes, freinera la sensation de grandissement par l’intérieur des jambes et d’allongement des jambes lors des positions jambes sérrées. Mais n’empêchera pas une pratique de la danse, et comme pour le genu valgum, elle pourra être utile dans le cadre d’un renforcement musculaire vers l’alignement hanche-genou-cheville. En ce qui concerne l’action de tendre les jambes, les genoux vont être poussés encore plus vers l’extérieur et accentuer la forme du genu varum.

Les jambes en hyperextension
Jambes en Hyperextention

Les jambes en hyperextension, ou genu recurvatum, ont un ou les deux genoux qui se tendent à l’extrême vers l’arrière des jambes en extension. Formant une sorte de C lorsque les jambes sont vues de profil. Ainsi les genoux se positionnent à l’arrière de l’axe hanche-cheville. Ce positionnement va beaucoup tirer sur les ligaments du genou et créer des fragilités et inflammations plus ou moins chroniques.

En danse classique, ce type de forme de jambes est très apprécié au niveau esthétique car il met en valeur un certain « coup de pied » par une jolie ligne de jambes. Ainsi les jambes tendues, le seront réellement à l’extrême, même sans forcer. Mais souvent, cette forme de jambes est aussi synonyme d’une très grande laxité et d’un manque de musculation adaptée pour transmettre et véhiculer l’énergie et la ligne de stabilité du corps jusqu’aux pieds (sauts ou équilibre ou tours, …). Les danseurs conscients de ces faiblesses, travaillent souvent à rééduquer leurs jambes à se tendre moins en hyperextension, pour retrouver une ligne hanche -genou-cheville presque droite, lors de leurs mouvements en appui, principalement.

Les jambes en flexum
Jambes en Flexum

A l’inverse des jambes en hyperextension, le genu flexum, correspond à une position des jambe, où l’un ou les deux genoux restent en flexion , dans l’incapacité de pouvoir atteindre sa pleine extension. Hormis à cause d’une hérédité génétique, ce positionnement des jambes est plutôt rare, mais peut arriver après une opération du genou, par exemple, ou en répercussion d’une blessure ou douleur au genou, ou ailleurs dans le bas du corps. Améliorer l’extension du genou passera, le plus souvent, par de la rééducation chez un kinésithérapeute.

Au niveau danse classique, l’esthétique ne sera pas au rendez-vous, car la jambe ne sera jamais réellement tendue. Mais la pratique de la danse classique pourra favoriser une amélioration de l’extension des jambes.

La forme normale des jambes

Après avoir vu cet ensemble de morphologies différentes des jambes, nous comprenons que lorsque les genoux se positionnent naturellement alignés dans l’axe hanche-cheville, que ce soit de face ou de profil, le positionnement de nos jambes est normal.

Ce mot « normal » est toujours dérangeant pour moi, car qu’est-ce qu’ être normal ? Correspondre à un standard, à ce qui est beau ou juste ? Dans notre cas de figure, il s’agit de la position adéquate du genou par rapport à un axe. Cette position « normale »permet au genou de pouvoir se mouvoir correctement. Il assure alors sa fonction logique et physiologique de flexion ou d’extension de la jambe sans générer ni frictions, ni pincements ou tensions inutiles et parasites, qui pourront altérer son état ultérieurement.

Pour une forme dites  « normale » des jambes, tendre ses jambes correspond normalement à juste verrouiller nos jambes en extension avec les rotules remontées. Avoir le genou rentré, faisant une seule ligne esthétique pour la danse et permettant de maintenir une position et une certaine stabilité des jambes, que ce soit en l’air ou en appui.

Mais est-ce suffisant pour ce que les mouvements et positions de danse classiques vont nous demander ? Est-ce que ce « verrouillage » est si bon pour nos articulations ? N’existe-t-il pas une option valable pour la plus grande majorité des morphologies ?

Encore et toujours plus par l’allongement ?

Le verrouillage du genou

Comment se fait le verrouillage du genou ? L’extension du genou est à son maximum et reste maintenue grâce au placage de la rotule (par les muscles de la cuisse et les tendons sous-rotuliens).

Ce verrouillage articulaire est une sécurité et une sûreté pour éviter les entorses, … Mais il reste une position passive, avec un appui plus ou moins important sur l’articulation, en fonction de notre morphologie.

Ainsi comme pour les hanches, l’idée est de plutôt de protéger l’articulation, tout en nous en servant habilement et subtilement, dans les mouvements et pour l’esthétique de la danse classique. Évitons ce « tapage » arrière qui peut devenir très douloureux lorsque les fragilités au niveau du genou arrivent. Et d’autant plus, lorsque que l’on a, entre autre, une hyperextension accentuant la position. Mais comment ?

L’option universelle

Trouvons un moyen pour que cela fonctionne sur chacun d’entre nous. Un grand défi ! Essayons ensemble malgré tout !

Pour obtenir un allongement, il faut créer de l’espace sur un même alignement. L’articulation du genou est assez difficile à décoapter mais dans un premier temps, essayons d’aligner le genou sur la même ligne que les pieds et les hanches (que ce soit en appui ou en l’air) peu importe sa morphologie. Cela demandera un effort donc différent en fonction de chaque forme de jambes. Mais il est très important de se rapprocher au maximum de cet alignement, dans un allongement actif et non dans une contraction ou un forçage. Ce premier cheminement est déjà un grand pas pour certains d’entre nous. Cela demande une grande concentration et de la persévérance. Mais ces efforts se seront pas vains.

Car si cela pouvait, en plus, nous aider dans notre danse ? Cette nouvelle approche pourrait alors nous amener une motivation supplémentaire pour corriger ce « tends tes jambes ». Mais de quelle manière ?

Et bien par la résistance (toujours dans l’allongement bien sûr). Cette résistance peut se trouver lors des pliés et développés des « fondus » par exemple. Lors d’un temps-lié, de la préparation des tours ou des sauts tout comme dans le travail des pointes (descentes, montées) … Les exemples sont multiples.

A quoi sert cette résistance ? La résistance dans l’allongement est l’idée que l’on exerce une pression sur, ou contre, ou encore en rapport à l’air. Cela peut être directement en rapport à un certain espace, comme l’air l’espace entre les cartilages de l’articulation du genou. Ou bien la résistance de l’air entre le dessous de cuisse et l’arrière du mollet lors d’un plié pour le rendre plus moelleux. Ou encore lors du développé d’un rond de jambe en l’air où l’on déplace l’air du dessus de tibia vers le ciel, créant ainsi une certaine résistance dans l’allongement pour permettre de tendre la jambe.

Nous retrouvons cette résistance, quasiment, dans tous les mouvements allant d’un plié de la jambe à un tendu, et inversement. Cette résistance dans l’allongement, et non dans la lutte, va apporter une qualité de plié et de tendu, indéniable. Son utilisation peut s’appliquer à énormément de mouvements et sera un vrai plus dans la qualité de travail de nos jambes. Elle amènera un certain rebond, des déplacements de poids du corps dans une dynamique, ainsi qu’ une stabilisation plus denses et organiques. Elle vous apportera également en résonance des jambes, une vraie consistance et unité du corps lors de vos mouvements de danse.

L’image des « ressorts »

Comme nous l’avons vu précédemment, l’allongement est au cœur de la position en extension de nos genoux mais aussi de l’ensemble du corps. Mais comment sentir cet espace inter-articulaire ? Comment le garder actif, stable et flexible ? Avec un ressort ? Ce n’est pas assez, quatre ressorts ! Voyons ensemble quelle est réellement cette image, son fonctionnement seul et avec le reste du corps.

Sa visualisation

Nous allons donc visualiser ensemble, le placement de l’image de ces ressorts en lien avec l’articulation des genoux. Affinons notre imaginaire mécanique, plaçons nous confortablement en première position des pieds, et laissons les yeux se fermer à notre guise.

Concentrons notre visualisation sur l’articulation d’un genou. Plaçons 4 ressorts verticalement autour du genou. Un devant, un derrière, un sur la face interne et un sur la face externe du genou. Ces ressorts sont d’une densité moyenne, ni trop difficile à étirer, ni trop facile à appuyer dessus. Ils peuvent continuer, de manière assez limitée, leur trajectoire de torsion lors d’une vrille dans le sens du ressort, ou à l’opposé, dans le sens inverse du ressort. Les ressorts sont de même longueur lorsque la jambe est droite et neutre. Enfin ces ressorts ont pris ancrage de part et d’autre de l’articulation du genou, allant du dernier tiers haut du bas de jambe, jusqu’au premier tiers bas du haut de jambe.

Ressorts positionnés sur une 4ième position ouverte jambe droite devant
Ressorts positionnés sur une 4ième position ouverte jambe droite devant
Son fonctionnement

Pourquoi l’image des ressorts ? Et par quels moyens peuvent-ils nous aider à répondre à la correction « tends tes jambes » ?

Revoyons tout d’abord sa définition initiale courante. Le ressort est une pièce courbe flexible dont l’élasticité permet de ramener la pièce à sa position initiale lorsque elle est déformée.

Ainsi, le ressort est flexible mais conserve sa forme d’origine avec un certain écartement entre ses boucles lors de son retour en position normale. Tout ces caractéristiques, de conservation de l’espacement et de flexibilité, conviennent parfaitement à ce que nous recherchons comme fonctionnement mécanique du genou.

En position statique jambe tendue, les quatre ressorts permettent de suspendre la partie supérieure du genou par rapport à la partie inférieure et de suspendre ainsi les cuisses par rapport au bas de jambe dont l’énergie ira vers un ancrage au sol. Et lorsque nous tendons la jambe nous devons imaginer que l’action de tendre ne doit pas appuyer sur les ressorts, ni créer de distorsions, mais bel et bien conserver cet espacement, cet allongement en dynamique de repoussé.

Mais alors, pourquoi quatre ? Et bien pour mettre en conscience que la sensation de pression sur l’un des ressorts, dans une position, va amener à l’extension de son homologue opposé. La pression engagée sur un, sera retenue et atténuée par l’autre, et permettra par les qualités de résistance et de repoussé du ressort de conserver l’espacement et l’allongement dans l’articulation du genou.

Son lien avec les autres images

L’image des ressorts, à elle seule, ne peut pas être autant efficace, si elle n’est pas appréhendée en simultané avec les autres images telles que « la toile d’araignée », les « ailes d’anges » et les « portes jarretelles ». Pourquoi ?

Si notre corps reste passif en dehors de la zone des jambes, tout le poids des zones passives va renforcer la pression sur les articulations des genoux. Et là, nous pouvons très largement imaginer la pression énorme auxquels les ressorts vont devoir faire face. Ainsi nous devons aider un espacement dans une zone par un soutien et allongement dans la plupart des autres. Donc pour faire simple: les « ailes d’ange » vont étendre l’action de la « toile d’araignée » par une suspension du haut du corps, qui elle-même va soutenir le « porte-jarretelles » lié d’une certaine manière aux « ressorts ».

Mais cet ensemble dynamique, ne va t-il pas créer ainsi un auto-grandissement ? Nous le verrons alors, plus en détails, dans le prochain article sur la correction « grandis-toi » !

Prochain article : la correction « grandis-toi ».

Un commentaire

  • Caroline Lagrange

    Bonjour Eleonore,

    J’avais du mal à ressentir cette correction et elle s’est soudain imposée depuis que je rechausse les pointes (très progressivement après 20 ans d’arrêt…).
    En effet lorsque je travaillais les relevés sur demi-pointes pour renforcer mes chevilles, sans m’en rendre compte je ne faisais que travailler les chevilles, mais pas la jambe dans sa globalité, qui restait plus ou moins bien tendue.
    Le fait de passer à des relevés sur pointes impose d’avoir la jambe allongée, et pas seulement la jambe mais l’ensemble des corrections décrites combinées entre elles. Et finalement je n’ai même pas besoin d’y penser, elles s’imposent dès lors que le relevé se fait sur pointe.
    Les ressorts dans les genoux sont maintenant bien présents, la difficulté étant de les retrouver dès que je suis de nouveau sur demi-pointe (c’est-à-dire avouons-le 90% du temps). Mais cette découverte et prise de consicence sont très encourageantes.
    Bonne journée à vous
    Caroline

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