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Comment utiliser son regard en danse classique ?

Le plus souvent nous utilisons notre regard comme un outil d’observation, d’analyse, de critique ou d’admiration. Mais en danse classique, le regard peut avoir bien d’autres fonctions utiles autant d’un point de vue artistique, technique, que pour la notion de posturologie de notre corps. Nous allons ainsi voir ensemble comment utiliser son regard en danse classique, afin d’affiner davantage notre relation avec cette partie du corps.

Au niveau artistique

L’utilité première à laquelle nous pensons, lorsque l’on évoque le regard, est celle artistique. C’est pour de bonnes raisons, car le regard est un des éléments majeurs du visage, lieu emprunt d’une grande expressivité et canal de communication et d’échanges véritables.

Le « miroir de l’âme » et la « fenêtre des émotions »

Ce n’est pas pour rien, que nous retrouvons dans ce sujet, la citation de Cicéron : « Si le visage est le miroir de l’âme, les yeux en sont les interprètes ».

Le regard, vu de l’intérieur, devient la vision que l’on perçoit du monde qui nous entoure. Le regard, vu de l’extérieur, englobe la partie des yeux mais aussi toutes les zones expressives du visage qui leur sont liées. Il est aussi le reflet de notre ressenti, de nos émotions, comme une fenêtre ouverte sur tout ce qui se passe en nous, nos pensées, nos émotions… Pour certains d’entre nous, nous sommes de véritables livres ouverts, pour d’autres cela reste plus subtile.

En danse classique, l’un ou l’autre n’est ni une véritable qualité ni un véritable défaut, car cela dépend des circonstances. Pour une personne très expressive, la tension du stress sera beaucoup plus lisible, par exemple. Alors que sur une autre personne moins expressive, cela sera un réel avantage de pouvoir dissimuler ce stress. A l’inverse, lors de scènes demandant une expressivité extrême, les émotions ou réactions, des personnes les plus expressives, seront davantage reconnues par le public.

Le regard est une véritable fenêtre de rayonnement de nos émotions intérieures. Plus elles sont ressenties avec sincérité et profondeur, plus elles se dégageront de nous avec puissance et rayonnement.

La connexion profonde avec le monde extérieur

Nos expériences de vie nous façonnent et ancrent profondément des émotions en les associant à des circonstances douloureuses, heureuses, ou encore amoureuses… Ces souvenirs sont précieux, même si des fois ils peuvent nous remémorer des évènements très sensibles. Le point commun, à toutes ces émotions et expressions du visage et du regard qui en ressortent, est leur sincérité profonde.

Une sincérité qui se retranscrit dans le regard, et ne peut que rendre les échanges et connexions avec les gens et le monde extérieur, plus authentiques. Ainsi le regard traduira aussi bien des échanges sincères avec notre partenaire de danse ou nos collègues, qu’avec le public en scène. Là est tout le but du regard au niveau artistique : partager nos émotions avec le monde extérieur.

Malgré les efforts techniques et de concentration, le partage avec le public est essentiel. L’authenticité des émotions sera leur amplificateur si tout le corps entier ressent les émotions. Pas seulement intellectuellement mais bel et bien physiquement. Et comme le dit si bien Cicéron, les yeux (et donc le regard) en sont les interprètes.

Alors osez, n’ayez pas peur d’être vous-même et de laisser vos émotions transparaître… Facile à dire, pas facile à faire, me direz-vous ! Vous avez tout à fait raison, et même les grands noms du monde de la Danse vous diront que c’est une recherche constante mais passionnante. Alors lancez-vous, dévoilez-vous, exprimez-vous et partagez, tout simplement…

Au niveau technique

D’un point de vue technique, le regard peut servir d’accompagnateur, de guide ou encore d’initiateur de dynamique de mouvement.

Pour la continuité de direction des mouvements

Tout d’abord, le regard peut accompagner les mouvements de bras, voir de jambes. Il les accompagne pour permettre d’harmoniser le mouvement en adéquation avec la tête (penché en avant, port de bras arabesque, etc…)

Le regard se positionne généralement à la hauteur des yeux (axe horizontal des oreilles) et perpendiculaire à l’axe du nez en vertical. Ainsi les yeux ne dévient pas de la direction de la tête, ils restent le plus souvent synchronisés et solidaires. Le regard est calme, posé et assuré.

Notre regard dans les ports de bras est comme une mise en lumière parallèle du mouvement de la main ou du bras. Les tracés sont le plus souvent identiques et sont très étroitement liés aussi aux mouvements de la tête. Mais le moteur initiatique du mouvement reste le regard, de par son intention de souligner la ligne de trajectoire de la main.

Nous pouvons retrouver cette notion pour certains mouvements de jambes où le regard accompagné de la tête suivent le dessin de la jambe et du pied. A l’inverse dans certains cas chorégraphiques, il en devient le moteur voir même le tuteur parallèle par rapport à la future trajectoire du pied.

Je porte une attention toute particulière sur le positionnement du regard avec le miroir. En essayant de nous regarder pour nous observer et corriger d’éventuelles erreurs dans le miroir, celui-ci fausse la plupart du temps la trajectoire conventionnelle de notre regard. Et lorsque nous passons du studio à la scène, nous pouvons avoir la sensation d’être perdus car nous ne savons plus où poser notre regard et perdons la notion de direction. Cela est d’autant plus frappant avec ce grand trou noir devant nous représentant le public, et parfois en fonction de la scénographie, avec aussi des zones très sombres en fond de scène ou vers les coulisses. La sensation d’être perdus et pour certains d’entre nous, même de ne plus avoir conscience ni du sol, ni du devant ou fond de scène est réelle et compréhensible.

Les méfaits du miroir sur le regard

Pour guider la projection du corps

Nous venons de voir que le regard peut accompagner mais être également initiateur de l’intention du mouvement. Il en va de même pour des mouvements avec déplacements (piqué arabesque, saut de chat Balanchine, fouettés à l’italienne, …)

Ainsi le regard va réellement projeter où le corps se positionnera, en traçant le cheminement du corps par le regard. Elle est liée au dessin de la trajectoire des pieds (bosse ou creux, cf « comment bien utiliser ses pieds en danse classique ? (1/2) »). Le regard suit ou au contraire dans ce cas devance parallèlement ce dessin de trajectoire des pieds. Souvent cette projection se fait pour les mouvements allant vers l’avant.

Dans les mouvements de torsions, comme en attitude ou pour une promenade en adage par exemple, le regard et le positionnement de la tête seront la continuité projetée de cette spirale. Cette continuité imaginaire projetée peut amener à la continuer en dynamique ou non. Peu importe la finalité, dans tous les cas elle reste vivante et active.

Pour placer la tête dans les tours

Plus techniquement, nous utilisons énormément le regard dans toutes les girations. Nous nous souvenons le plus souvent des mots de notre professeur dans notre plus tendre enfance, expliquant comment utiliser et tourner la tête pendant les tours. Bien sûr, ils restent complètement valables et nous allons en détailler le processus ensemble.

Ainsi, lors de la préparation du tour nous avons le regard dans le même axe que nos hanches et nos épaules. Puis nous amorçons notre tour en amenant notre regard vers un point de vision (focus) qui peut être face au public ou miroir, ou face à la direction où notre mouvement nous emmène. De là, nous conservons le focus sur ce même point ou zone de vision jusqu’à ce que physiquement notre tête soit au maximum de sa torsion. Puis nous ramenons le regard en retournant la tête par l’autre côté, faisant revenir le regard sur le focus initial. Le focus est conservé jusqu’à ce que le reste du corps revienne dans le même axe de la tête et du regard.

Cheminement du regard et de la tête pendant un tour en-dehors

C’est ainsi que fonctionnent le tour et son placement du regard. Concernant l’intensité de cette torsion de tête, elle ne doit pas être forcée au risque de déstabiliser le placement de l’ensemble du corps et nous désaxer pendant le tour. Ainsi ce retour de tête et de regard doit se faire à la manière d’un léger rebond, toujours avec l’axe des oreilles parallèle au sol, sans aucune inclinaison. L’ensemble reste ainsi fluide et physiquement non forcé, comme lorsque vous réagissez à l’appel de quelqu’un et que vous tournez votre regard et votre tête, de manière directe, franche et sans crispations.

Au niveau postural

Lorsque nous pensons au regard en danse classique, peu d’entre nous visualisent son utilisation dans la posture du corps. Malgré tout, nous allons voir ensemble qu’en fonction de son utilisation, le regard peut être un grand allié.

La vision périphérique vs vision centrale

Tout d’abord nous allons évoquer le regard sous la forme de visions. Il en existe plusieurs et nous allons intéresser à la vision périphérique et à la vision centrale.

Mais qu’est-ce que c’est au juste ? Voyons ensemble leur définition basique.

  • La vision centrale est la vision que nous utilisons quand nous fixons un objet que nous regardons. Cette vision est précise et nécessaire pour voir de loin, et détaille en haute résolution le point de fixation.
  • La vision périphérique est la vision qui nous renseigne sur l’environnement qui nous entoure. Cette vision est moins détaillée que la vision centrale mais elle permet d’avoir une vision globale et rapide des choses dans leur ensemble et contexte. La vision périphérique couvre la quasi-totalité du champs de vision.
Les principales visions

En danse classique, le plus souvent, on nous demande de regarder un point fixe par la vision centrale, pour les tours, un piqué arabesque, une diagonale de tours, et bien d’autres encore…

Mais est-ce réellement la bonne méthode ? Je n’en suis pas sûre car souvent cette vision centrale inhibe en partie ou totalement les sensations et ressentis internes du corps. Ceux auxquels je fais référence dans chacun de mes articles. Ce serait vraiment dommage de faire toute cette conscientisation du corps pour finalement tout effacer par un simple regard, non ?

Rassurez-vous, il y a une autre solution, grâce à l’aide de la vision périphérique. Cette vision nous permet de conserver les sensations du corps, tout en restant connectés et vigilants sur ce qui nous entoure. Ainsi cette vision nous permet également de porter un « regard intérieur » tout en conscience, sur ce qui se passe en nous à chaque instant de notre danse.

Le « regard intérieur » au service des sensations

Que nous évoque ce « regard intérieur » ? Une sorte d’introspection, comme dans le yoga ? Et bien, nous pouvons élargir cette notion, en impliquant l’idée de constance de perceptions, et cela de manière globale, dans chacune des parties du corps.

De part ce « regard intérieur » vous êtes au centre de surveillance et de conscience de votre corps. Vous percevez les tensions, les déséquilibres, le poids et le repoussé dans votre corps. Vous les conscientisez. Et de là vous pouvez les doser, les rééquilibrer, les renforcer ou les amenuir… Beaucoup de choses abordées dans les précédents articles vont vous paraître plus claires, plus présentes et mieux ressenties.

Et pour ceux qui avaient peur de perdre le contrôle avec leurs habitudes passées, vous vous en trouverez rassurés : vous pourrez reprendre le contrôle mais de manière totalement différente. Vous pourrez alors placer et amener votre corps dans les positions adéquates non par la volonté, la contrainte et la force, mais bel et bien par le guidage, la suggestion et le dosage. C’est une autre manière de penser et d’avoir un regard sur la danse, sur sa propre danse. Un état d’esprit ouvert est nécessaire pour remettre en questions certaines habitudes ancrées, mais il vous sera utile pour continuer à perpétuellement progresser et évoluer dans votre danse.

Mais comment allier ce « regard intérieur » et la vision périphérique, à des situations demandant initialement un point fixe, me direz-vous ? En échangeant le point fixe de regard, par une zone extérieure de conscience.

Je m’explique pour les tours par exemple. Vous pouvez au lieu de focaliser sur un point fixe, juste prendre conscience de la zone où se trouve le point fixe, l’assimiler comme zone de référence pour le retour du regard pendant le tour. Ou pour une diagonale de piqués ou déboulés, visualiser un couloir cheminant jusqu’à la zone de votre point fixe. Ces subtilités de regard, vous permettent de pouvoir continuer à percevoir votre positionnement et ressenti intérieur tout en ayant la conscience des directions du mouvement d’un point de vue extérieur mais aussi intérieur. Ainsi dans un piqué arabesque, nous allons davantage visualisation les directions et perceptions internes du corps avant de vouloir à tout prix les fasciner de l’extérieur. Bien sûr vous garderez une certaine stabilité de hauteur et de conscience de l’axe du regard.

On pourrait assimiler cette conscientisation, de part l’alliance du « regard intérieur » avec la vision périphérique, à une sorte d’ « omniscience des perceptions ».

Conclusion sur la posture en danse classique

Je conclurais en évoquant le regard que l’on porte sur soi. En danse, il se fait le plus souvent au travers de ce que le miroir nous reflète de notre personne en tant qu’individu physique. La critique peut alors se faire acerbe.

Prenez votre individu en tant que globalité. N’attendez pas qu’une sensation implique directement une ligne esthétique. Soyez patient avec vous-même. Empruntez le chemin de la posture en danse classique avec bienveillance et écoute, envers votre corps. Ne forcez jamais, proposez, suggérez à votre corps, l’image, le chemin, la sensation idéale et unifiée. De là, votre corps physique s’harmonisera avec votre corps psychique, imaginaire et ressenti.

C’est un processus qui amène beaucoup de questionnements, de remise en questions et d’introspection. Mais il vous apportera énormément de solutions aux problèmes que vous rencontrez dans votre danse. Il vous permettra d’acquérir une plus grande autonomie de travail pour vous corriger à chaque instant et rééquilibrer votre corps afin de danser plus librement et avec une plus grande facilité.

C’est ainsi le dernier article sur la posturologie en danse classique. Vous pourrez tous les retrouver dans l’onglet « La posture » dans « Les Bases » . Tous les articles déjà publiés, depuis le début de la création de ce blog, vous permettent de retrouver à n’importe quel moment toutes les notions et images clés pour vous aider dans votre danse. Ce seront des éléments de base auxquels je ferais souvent référence dans les prochains articles, qui seront sur les exercices à la barre, et par la suite sur les mouvements au milieu et leurs techniques en danse classique.

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Vous pourrez profiter de ma vidéo d’étirements personnels pour vous préparer au mieux avant votre cours de danse.

Vous pourrez aussi profiter de nouveautés très prochainement !

Prochain article : Faire une barre en danse classique, à quoi ça sert ?

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