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En quoi la sophrologie peut-elle aider les danseurs ?

En parallèle, de mes articles bi-mensuels sur la pratique de la danse classique grâce mon approche par les images sensorielles, je vous propose de découvrir ce nouvel onglet de mon blog ouvrant sur différentes pratiques médicales ou paramédicales. Ce sont des pratiques, qui à mes yeux, peuvent aider de nombreux danseurs, pour s’approprier davantage leur danse et optimiser leur pratique de la danse afin de continuer à évoluer, progresser et grandir au quotidien au travers et pour cet art.

En cette période de reprise dans les studios de danse, très anxiogène de part ses circonstances « covid-19 », je vous propose de se pencher sur l’une des pratiques paramédicales, qui peuvent nous accompagner et nous aider en tant que danseurs : la Sophrologie.

Pour cela, j’ai eu la chance de pouvoir interviewer Marie Bos, Sophrologue à Paris, spécialisée dans la Sophro-thérapie chez les danseurs (et sportifs) et ancienne danseuse professionnelle, pour savoir en quoi la sophrologie peut-elle aider les danseurs ? Découvrons ensemble cette pratique.

Qu’est-ce que la Sophrologie* ?

Créée par le Professeur et Neuropsychiatre Alfonso Caycedo en 1960, la Sophrologie est une pratique qui permet d’atteindre un état profond de relaxation corporelle et mentale. Elle favorise la capacité de relâchement des tensions, facilite la concentration, optimise l’équilibre physique et émotionnel en révélant en outre les valeurs spécifiques à la personne.

Accessible à tous (enfant, adolescent, adulte, sénior, personne âgée …), la Sophrologie accompagne chacun(e) dans les différentes étapes de son parcours.

Inspirée de plusieurs disciplines dont le yoga, la méditation, l’hypnose …, la Sophrologie se base, notamment, sur des exercices de respiration et des pratiques de visualisation positive mobilisant les sens.

La Sophrologie active et révèle toutes les capacités en ressource pour renforcer la confiance en soi, gérer ses émotions, développer son sens créatif, s’engager plus en conscience dans la vie, réaliser ses projets, vivre au fil des séances le processus de la transformation en devenant acteur de sa propre vie…

La Sophrologie s’inscrit ainsi dans un double mouvement permettant d’accorder détente et tonus, nommé Relaxation Dynamique, ce qui en fait son originalité et son intérêt.

Les champs d’application de la Sophologie sont très larges :

  • en médecine de ville et hospitalière (par exemple traitement de la douleur, nutrition, rhumatologie …)
  • dans une pluralité de milieux (entreprises, institutions, associations, milieu éducatif , sportif, artistique entre autres…)
  • dans l’accompagnement de nombreuses thématiques (gestion du stress et des émotions, suivi grossesse, problématique sommeil, nutrition, soutien pédagogique, développement des ressources intérieures, reconversion …)

Une pratique régulière et adaptée de la Sophrologie permet de bénéficier pleinement de ses effets positifs, et ce, dans tous les domaines de vie (familial, personnel, professionnel et social). Elle permet d’acquérir une autonomie progressive, avec le soutien du Sophrologue qui s’ajuste à la problématique et au rythme de chacun(e).

La Sophrologie peut se pratiquer en séance individuelle ou en groupe.

La Sophrologie ne se substitue en aucun cas à un traitement médical ()

* Du grec SOS (harmonie), PHREN (esprit) LOGOS (étude, science)

Pour quelles raisons ou problématiques les danseurs viennent-ils vous consulter en sophrologie ?

Les danseurs et danseuses que je reçois, quelle que soit leur formation et leur cursus, peuvent venir pour des raisons variées :

  • soit à l’occasion d’une demande spécifique et ponctuelle
  • soit dans une approche préventive afin d’engager une démarche plus profonde qui leur permet d’identifier les sources les empêchant de déployer leurs qualités et leur potentiel.

Toutes les tranches d’âge sont concernées (du jeune danseur au danseur plus confirmé voire à celui ou celle entamant une reconversion).

Ces étapes se succèdent finalement assez rapidement, car la carrière du danseur dans la plénitude de l’exercice de son art est, comme on le sait, resserrée dans le temps. A l’image d’un sportif de haut niveau qu’il est totalement, sans oublier la dimension artistique, la carrière du danseur n’est pas comparable à celle d’un « métier lambda » …

Les demandes peuvent concerner les différentes thématiques suivantes :

Pour la gestion du stress, du trac et de ses émotions

Celle de la gestion du stress, du trac (le « mauvais » celui qui fait perdre tous ses moyens) et des émotions dans le cadre par exemple de :

. la préparation aux auditions dans les Compagnies (France et à l’international),

. la préparation à la scène, à une prise de rôle,

. la préparation aux Concours (CNSMD Paris et Région, Concours nationaux, internationaux, Ecoles de Danse …)

Je pense notamment à une jeune danseuse que j’ai suivie il y a quelques années, à la technique déjà assurée et à la sensibilité conférant beaucoup d’émotion à ses interprétations, se « décomposant » systématiquement dans tous les concours auxquels elle se présentait. Son cas fait écho d’ailleurs à celui d’autres danseurs et danseuses que j’ai acccompagnés, fréquemment tétanisés au moment de concours mais aussi d’auditions.

Nous avons travaillé tout particulièrement la problématique émotionnelle à partir de la respiration afin que cette jeune danseuse ne se laisse plus submergée. Peu à peu, elle a pu, non pas éviter le trac (ce n’était ni l’objectif ni souhaitable), mais le vivre simplement à sa juste mesure …

Pour la gestion de l’effort

Celle de la gestion de l’effort et de la fatigue par l’acceptation des limites afin d’utiliser d’autant mieux ses capacités. Dans une démarche plus préventive, potentialiser les phases d’entrainement et de récupération afin d’éviter les blessures.

Je me souviens d’un danseur venu me consulter à la suite de plusieurs fractures de fatigue (pied) consécutives à un surentraînement et mauvais positionnement du corps et de ses points d’appui. Ce type de fracture fréquent chez les danseurs et danseuses résulte la plupart du temps des sollicitations importantes et répétées de la structure osseuse qui fragilisent au fil du temps l’os. Bien sûr ce danseur était suivi au plan médical.

En complément, je lui ai proposé un programme sophrologique lui permettant de vivre la mise à l’arrêt « forcée » comme une opportunité pour lui d’envisager un autre rapport à son corps et au soin. Profiter de ce temps pour « renforcer » son capital osseux (visualisation réparatrice) tout en mobilisant, d’une part, sa capacité de prise de recul par rapport à la situation et, d’autre part, sa disponibilité à ressentir la charge émotionnelle plutôt que de la bloquer.

Par cette triple approche (physique, mentale et émotionnelle), un processus respectueux du danseur, tenant compte de ses limites et de ses capacités, a produit un effet libérateur et constructif. Acceptation pour lui de se (re)poser tout en cultivant plus en conscience un mouvement intérieur qu’il avait occulté l’autorisant à rechercher un alignement plus approprié.

Pour la stimulation du capital « confiance en soi »

Celle de la stimulation du capital confiance en soi, mis à mal souvent suite à un « échec » et face à la pression ressentie par la plupart des danseurs et danseuses (pression pouvant provenir de l’entourage mais aussi d’eux-même).
On retrouve les situations spécifiques évoquées plus haut dans la gestion du stress et du trac mais aussi , de manière plus globale, l’inscription d’un déficit de confiance en soi qui se généralise.

Il se révèle intéressant pour le danseur de revisiter son schéma de construction (sur tous les plans) afin de le libérer de tout ce qui l’a pollué et le pollue encore.

Pour un accompagnement santé plus spécifique

Enfin celle d’un accompagnement plus spécifique, concernant par exemple des problèmes de nutrition, de sommeil, du traitement de la douleur, des questions de santé … (en fonction de la problématique j’interviens en lien avec les professionnels de santé concernés).

Je pense par exemple à plusieurs danseuses confrontées à une problématique nutritionnelle. En complément d’un suivi avec un professionnel de santé (endocrinologue), nous pouvons ajuster une régulation qui permettra de protéger le capital santé du danseur (ostéopénie, prévention ostéoporose etc …).

La pratique de la Sophrologie donne accès à une nouvelle respiration qui dévoile une conscience plus affinée. Compte tenu des performances demandées, il est essentiel que les danseurs et danseuses prennent conscience de la nécessité de prendre soin de leur corps, sans attendre les blessures ou autres problèmes.

Je sensibilise tout danseur venant me consulter à engager une démarche préventive. Si des progrès ont été réalisés ces dernières années dans ce domaine, il n’est cependant pas inutile de le rappeler pour protéger le capital santé.

Comment la Sophrologie peut-elle être adaptée aux danseurs ? Par quels outils ? Dans quelles circonstances ? Sur combien de temps ?

La Sophrologie, nous l’avons vu précédemment, s’intéresse à tout profil de danseur et danseuse dans le parcours spécifique de chacun(e). L’alliance possible entre le danseur/la danseuse et le/la Sophrologue participe au processus d’évolution en créant une dynamique très appréciable.

Si les difficultés rencontrées par les danseurs peuvent apparemment se ressembler, n’oublions jamais que chaque histoire est singulière. Il est indispensable que le Sophrologue puisse s’ajuster au plus près de la personne (cela vaut d’ailleurs pour chaque patient que j’accueille au sein de mon Cabinet) qui détient en elle (en l’ignorant souvent)
la clé lui permettant de se libérer et d’ouvrir la « bonne » porte …

C’est pourquoi un temps de parole précieux (j’en fais l’expérience constamment) est donné au danseur à chaque début de séance avant de lui proposer une « pratique ». Si le langage du danseur trouve son expression dans et par le corps, il n’en demeure pas moins que la parole de l’être humain, dans toutes ses dimensions, mérite un espace dédié et consacré.

La « pratique » elle-même, reliée à ce que le danseur exprime, va lui donner ensuite les moyens d’inscrire une meilleure connaissance de son schéma corporel, de découvrir une respiration apaisante et ressourçante (détente musculaire, libération mentale, accueil des émotions sans se laisser submerger par elles …), et ainsi d’établir une connexion harmonieuse entre le corps, le cœur et le mental.

Par la visualisation le danseur va pouvoir mémoriser, répéter et nourrir un mouvement, une variation, une chorégraphie sans mettre à mal son corps déjà très sollicité par la performance physique. En cas d’interruption liée à une blessure il peut s’avérer important pour le danseur de ne pas « tout » arrêter …. Ses capacités d’attention et de concentration associées à la conscience du mouvement s’exercent de plus en plus fluidement.

Dans l’accompagnement que je délivre, je préfère parler de propositions (et non d’exercices) pour donner au danseur un espace d’appropriation et de création personnelles.
Dans la continuité du souffle, il n’est pas rare que j’introduise des séquences vibratoires et sonores qui favorisent le « lâcher prise ».

L’ensemble du travail en séance va permettre au danseur de découvrir et d’acquérir de nouvelles capacités respiratoires qu’il pourra reprendre lors de moments délicats, déterminants, décisifs, à l’occasion des entrainements mais aussi avant d’entrer en scène …

Ces inscriptions se font sur la durée et par une pratique régulière. En ce sens, le danseur est plutôt avantagé car il a intégré depuis son plus jeune âge la nécessité de la répétition ou de la « reprise ». En l’occurrence, il s’agit bien de reprise, c’est-à-dire, pas nécessairement de se limiter à reproduire à l’identique mais d’enrichir le mouvement grâce à tout ce qui l’a nourri précédemment, prenant source dans ce qui a été éprouvé (dans tous les sens du terme, mis à l’épreuve et ressenti … ). Ouvrir la possibilité de (se) recréer … Et cela concerne tout autant la technique, le sens artistique, la capacité à intégrer l’image et les sensations de son corps en mouvement (rapport à l’espace-temps) et à ressentir le « corps du ballet » (rapport à l’autre).

En Sophrologie, certaines pratiques, permettent de (re)mobiliser un potentiel énergétique du passé que nous avons engrammé (cellulaire, tissulaire, organique, osseux …), dont nous pouvons disposer au présent et que nous pouvons projeter également dans un futur plus ou moins proche. Je les propose souvent au danseur qui peut ainsi recontacter cette énergie positive et constructive réveillant en lui ce souffle vital parfois assoupi. Cela lui (re)donne confiance en (re)trouvant des capacités qui étaient là, qui le sont toujours et qui le seront durablement s’il en prend soin dans cet éveil de conscience.

Au fil du temps, bien des questions vont se poser au danseur sur son avenir dans son art, dans sa vie, naturellement, des doutes surgissent parfois face à des déceptions successives, ou de manière subite, en cas de blessures graves ne permettant pas le retour à une carrière professionnelle. Ce sont des moments douloureux à traverser qui peuvent révéler cependant des opportunités insoupçonnées. La pratique de la Sophrologie peut soutenir ces transitions et ouvrir en effet de nouvelles perspectives à chacun(e).

La Sophrologie peut se pratiquer sous différents angles, en fonction de l’âge du danseur, de la situation, de l’enjeu, du cheminement, des éléments inhérents au milieu-même de la danse, à ceux venant de l’extérieur, à ceux plus personnels de chacun(e).
De ce fait, tout danseur peut vivre une expérience très singulière de la pratique de la Sophrologie, plus ou moins longue aussi dans le temps : quelques mois, voire plus longtemps dans le processus de( re)conversion, il n’y a pas de limite en fait, « car si le corps a ses limites, la conscience, elle, est illimitée … » – Pr A. Caycédo, fondateur de la Sophrologie.

Comment vous est venue l’envie d’associer la Danse et la Sophrologie ?
Racontez-moi un peu de votre parcours personnel pour comprendre cette association de domaines.

Alors voilà, tout « simplement », je vais essayer de ne pas être trop longue :
premiers pas de Danse à Bordeaux avant d’intégrer le Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris (dans la classe de Christiane Vaussard). Après le Prix, je suis engagée dans le Ballet du Deutsche Oper am Rhein de Düsseldorf. De retour en France, je ressens le besoin de m’orienter différemment ce qui est possible ayant poursuivi mes études.

J’assure ensuite au fil des années des missions au sein d’Entreprises et d’Associations (Formation, Ressources Humaines, Mécénat Culture & Santé …).
Parallèlement je continue à me former en intégrant l’INECAT à Paris (Institut National d’Expression Création Art & Thérapie – Dr J.P. Klein ) dont je suis certifiée aux « Sens du Mouvement, Art-thérapie créative expérientielle ». Une étape importante, dans une approche aux antipodes du parcours classique très formateur que j’avais suivi bien des années avant.

Un autre mouvement possible, néanmoins, qui dessine un pont entre l’art et le soin, une passerelle qui m’intéresse particulièrement engageant un processus de transformation que je souhaite alors transmettre à mon tour.

La passerelle suivante me conduit à l’Académie de Sophrologie Caycédienne de Paris m’ouvrant la Voie de la Sophrologie (formation au métier de Sophrologue reconnue par l’état – RNCP – Dr P.A.
Chéné – Paris) dont je suis diplômée.

Une autre respiration possible qui me permet d’exercer depuis une dizaine d’années en Cabinet et de transmettre le fruit de ces expériences toutes essentielles dans mon parcours. Un « grand écart » ? peut-être, ou plutôt la Danse toujours au cœur de ma pratique dans une forme singulière grâce à l’association de ces apprentissages complémentaires (et non contraires).

Mon intention première étant d’accompagner chacun(e) à ressentir son « être dansant », j’espère que mon témoignage apportera quelques éclairages aux danseurs et danseuses sur l’intérêt que présente la Sophrologie sous toutes ses facettes en complément de ce qui est déjà mis à leur disposition.

Pour conclure, je souhaite témoigner de la richesse que je ressens à accompagner danseurs et danseuses dans toutes les étapes qu’ils traversent : danseur pré-professionnel, danseur professionnel dans l’épanouissement de son art ou bien danseur abordant une période de transition incontournable, voire de reconversion …

Un immense merci à Marie Bos, Sophrologue en Sophro-thérapie (www.sophrotherapie-paris.com) à Paris, pour cette merveilleuse interview et toutes ces réponses très approfondies, qui j’en suis sûre aideront plus d’un danseur.

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