Les exercices de la barre : les ronds de jambe en l’air
L’exercice des ronds de jambe en l’air a cette première particularité d’amener la notion de levé de jambe à la hauteur (90°) ou plus haut. De part cette première expérience, nous nous rendons vite compte que les levés de jambe sont loin d’être simples et sont un vrai défi pour beaucoup d’entre nous. Puis la seconde particularité est celle du mouvement très spécifique traçant un rond de jambe par le bas de jambe dans les airs.
De nouvelles notions méritant qu’on s’y intéressent plus en profondeur … Voyons ainsi ensemble, pourquoi, comment, et à quoi va nous servir cet exercice des ronds de jambe en l’air, à la barre et par la suite au milieu.
Pourquoi faire les ronds de jambe en l’air ?
Pour accentuer le repoussé du sol et l’auto-grandissement du corps
Lorsque nous devons lever la jambe, nous demandons à notre jambe de lutter contre l’attraction terrestre. Lorsque cette action ne vient qu’uniquement de la jambe elle-même, sans l’aide de tout le corps pour repousser cette gravité, l’exercice devient des plus difficiles.
Le repoussement de tout le corps depuis le sol pendant les levés de jambe est alors nécessaire et des plus aidants pour obtenir :
- Une certaine stabilité du corps pendant les mouvements
- Une esthétique physique grandie
- Une plus grande sensation de légèreté de la jambe qui se lève.
Ce repoussé du sol permet d’accentuer le soutien du bassin (la correction: Rentre tes fesses et Grandis-toi). Il donne ainsi une plus grande liberté aux articulations des hanches pour les montées de jambes. Aussi la notion d’axe, grandissant depuis les pieds jusqu’au sommet de la tête, engagera une stabilité autant verticale qu’horizontale, permettant de compenser l’instabilité liée au levé de jambe. Nous verrons plus exactement comment par la suite.
Pour renforcer les isolements dynamiques du corps
L’exercice des ronds de jambe en l’air demande à dessiner un rond (ou le plus souvent une forme d’ellipse). Pour cela, nous avons besoin de pouvoir faire bouger uniquement le bas de notre jambe qui est en l’air. Le tout sans que son action ne déstabilise le reste du corps.
Ainsi lorsque notre bas de jambe se met à dessiner les ronds , le reste du corps doit conserver ses propres dynamiques de repoussé, tenue, et suspension. L’exercice des ronds de jambe en l’air est ainsi un excellent exercice challengeant nos capacités à isoler certaines parties du corps, avec des dynamiques complètement différentes, voire antagonistes.
Pour travailler l’en-dehors du bas de jambe
En plus de conserver l’en dehors des deux jambes depuis la 5ème position, les ronds de jambe en l’air nous font travailler plus spécifiquement celui du bas de jambe.
Comme en danse classique la position en dedans des jambes est quasi-inexistante, nous allons devoir être deux fois plus vigilants lors de ces ronds de jambe en l’air. Puisque dans le dessin du rond, une partie se fait vers l’arrière et une autre vers l’avant, le bas de jambe aura malgré tout besoin de rester très actif dans l’en-dehors. Nous allons voir par la suite comment gérer cet en-dehors pour avoir des ronds de jambe bien dessinés.
Comment faire les ronds de jambe en l’air ?
En ayant un appui stable et monté de la jambe de terre jusqu’au sommet du corps
Les ronds de jambe en l’air abordent habituellement des levés de jambe d’une plus grande amplitude que ce que nous avons pu voir depuis le début de la barre. Ainsi nous découvrons souvent les désagréments de l’instabilité du corps liés au levé de jambe.
Pour gérer ces instabilités, nous allons pouvoir dès la sortie de la jambe (et même dès la 5ème position) renforcer au maximum le repoussé du sol. Ce repoussé du sol est en résistance à l’attraction terrestre ( la correction : Grandis-toi) . Il prend naissance depuis le sol pour s’étendre au reste du corps. Lors d’un levé de jambe, pour éviter que le corps ne s’affaisse sur lui-même ou vers la jambe qui se lève, nous allons renforcer ce repoussé du sol de la jambe de terre.
Depuis le pied, ce repoussé de sol se répercute verticalement au travers de l’ensemble du corps le long de la ligne de gravité ( plus d’infos dans article : Comment placer son poids du corps en danse classique ?). Cette ligne de gravité représente la ligne d’équilibre centrale du corps lors d’un mouvement ou d’une position. Et le repoussé du sol renforcée le long de cette ligne de gravité va permettre de rendre la jambe de terre et l’ensemble du corps plus stables.
Le corps sera monté, tenu et soutenu avec un appui de la jambe de terre ancré et stable. Le haut du corps aussi s’auto-portera et se grandira ainsi jusqu’au sommet de la tête, suivant le même axe et sans tension. Nous garderons alors en tête, que cette tenue du corps est liée à une pensée de direction et d’énergie, et non à une crispation musculaire, le plus souvent paralysante et limitante.
En travaillant les directions du corps par l’allongement des jambes et les forces croisées latérales
La base stable du repoussé du sol est ressentie dans l’ensemble du corps, depuis la 5ème position jusqu’au levé de la jambe à la hauteur souhaitée. Ainsi lorsque la jambe est arrivée dans la bonne position avant d’engager les ronds de jambe, le repoussé du sol par notre corps est à son maximum. Nous allons ajouter à cette qualité d’auto grandissement du corps à la verticale, un élargissement et allongement du corps à l’horizontale par des forces opposées ou dites croisées latérales.
Pourquoi parler d’élargissement ou de prise d’amplitude latérale alors que nous travaillons l’auto grandissement depuis le début ? Et bien pour apporter encore plus de stabilité et d’équilibre dans le corps et ainsi limiter les compensations en force dans le corps. L’un ne remplace pas l’autre, bien au contraire, ils se complètent et s’auto-amplifient eux-mêmes.
Mais du coup, comment pouvons-nous nous y prendre ? En imaginant que la jambe en l’air et le bras du côté de la barre sont liés par une certaine opposition. Ils s’étirent chacun dans leur propre direction : la jambe vers la direction de la pointe du pied, le bras (en lien avec l’épaule et une partie du dos) dans la direction opposée à la jambe en l’air (direction donné par la pointe du pied de la jambe de terre).
Bien sûr, nous n’oublions pas de conserver notre stabilité et auto-grandissement le long de notre ligne de gravité. Cela évite de déstructurer le corps, et permet de garder une tenue de corps centrale et puissante. Les extrémités s’étirent en créant ainsi, de l’espace au niveau de la hanche et au niveau de l’épaule opposée à la jambe en l’air. Comme le corps à la verticale est actif et tenu, le bassin ou le dos n’est pas tracté ou embarqué d’un côté ou d’un autre (par la jambe en l’air ou le bras du côté de la barre). Au contraire, il reste un soutien stable et surtout résistant aux aléas des dynamiques, tractions ou pressions des mouvements.
La combinaison du repoussé du sol dans un auto-grandissement verticale et la prise d’amplitude dans l’opposée des directions en latéral, créer :
- Une capacité de stabilité du corps optimisée
- Un sentiment d’allongement des membres supérieurs et inférieurs
- Un sentiment de suspension du dos et de la jambe en l’air tout en légèreté
- Une tenue du corps sans forçage presque agréable
- Un équilibre du corps unifié permettant une plus grande adaptabilité et réactivité du corps pour conserver son équilibre lors du levé de jambe
Une dernière chose importante sur la bilatéralité du corps. Nous ferons attention à toujours conserver une action identique des deux jambes (et aussi deux côtés du corps), dans l’action d’être en dehors. Nous conservons ainsi toutes les notions abordées sur l’équilibre et l’homogénéité de travail d’en-dehors des deux jambes. Ces notions peuvent être plus ou moins déjà assimilées lors des exercices de jambe au sol, mais à présent nous pouvons y prêter encore plus attention au travers de ces nouveaux exercices avec une plus grande hauteur de jambe.
En stabilisant le bassin dans le soutien et sans sur-appui des hanches
Souvent pour être certains que le bassin ne va pas bouger de son axe et qu’une fesse ne va pas se monter lorsque la jambe se lève, nous rigidifions notre bassin et créons une certaine pression dessus. Le bassin est alors tracté le plus souvent de manière excessive (en pensant bien faire) vers le sol, pour l’empêcher d’être mobile. Mais cela tasse la jambe de terre et déséquilibre l’axe d’équilibre du corps, en rajoutant du poids sur le coté de la jambe en l’air (qui n’a plus la capacité de soutenir le bassin).
Comment éviter ce schema de fonctionnement déstabilisant pour le corps ? Peut-être en imaginant l’inverse afin d’obtenir le résultat escompté, et en soutenant le bassin par le dessous ? Grâce à l’idée que le repoussé du sol peut être ressenti dans chaque partie du corps, nous pouvons aller dans le même sens que le repoussé du sol et l’auto-grandissement du corps en général (la correction : Grandis-toi). Cela permet au bassin de ne pas contre-carré l’énergie que nous mettons à nous grandir. Ainsi pensons à alléger notre bassin de l’attraction terrestre tout en lui conservant une grande stabilité et un équilibre ne faisant qu’un avec le reste du corps.
Pour cela je vais faire appel à un peu d’anatomie en vous parlant des ischions (ces petits bouts d’os pointus sous les fesses). Imaginons que nous soutenons notre bassin en le portant depuis le dessous de ces ischions, telles deux mains imaginaires nous soutenant à ces deux endroits de manière équilibrée et stable. Ou encore, pour certain(e)s l’image d’avoir le bassin porté en « écharpe » (écharpe suspendant le bassin en passant entre les deux jambes) ou par le fameux « baudrier » imaginaire peuvent nous amener à ressentir cette suspension du bassin.
Nous créons ainsi l’alliance entre la notion de repoussé du sol dans le corps avec le soutien du bassin. Et grâce aux forces croisées latérales vues précédemment, nous allions aussi à cet ensemble la suspension de la ceinture scapulaire (structure globale du haut du dos reliant les épaules au tronc). Ainsi tout l’ensemble du corps est suspendu et soutenu de manière active et non bloquée par les notions d’allongement, de repoussé du sol et d’oppositions de directions. C’est la combinaison de tout l’ensemble qui permet de créer une stabilité du corps en équilibre lors du levé de jambe. Le bassin est neutre et libéré de toutes tensions excessives et inutiles au bon déroulement du mouvement des rond de jambe en l’air (la correction : Rentre tes fesses). Nous avons alors à présent une bonne base de travail pour aborder l’action du rond de jambe en l’air en lui-même.
En comprenant et en affinant le schéma d’isolation du haut et bas de jambe lors du mouvement du rond de bas de jambe
Maintenant que nous venons de créer une base stable et solide de notre corps et jambe de terre, nous allons pouvoir nous pencher un peu plus sur la manière de faire le rond de jambe dans les airs.
Le rond de jambe qu’il soit en dehors ou en dedans, simple ou double, est réalisé et dessiné par le bas de jambe, du genou à la pointe du pied. Le haut de jambe (de la hanche au genou) détermine la hauteur de la jambe lors du rond de jambe en l’air. Ainsi le haut de jambe sera avec un angle plus ou moins prononcé par rapport à la jambe de terre, et cela en fonction de la hauteur que nous souhaitons (45°, 60°, 90°, 120°, …). La hauteur que nous décidons ne doit pas changer au cours du rond de jambe en l’air (sauf précision chorégraphique).
Ainsi le haut de jambe reste placé et soutenu par le dessous de la cuisse (possibilité d’utiliser de l’image de l’ « écharpe » sous la cuisse pour les grandes hauteurs). Cela permet de maintenir un certain en-dehors lors de l’action du traçage du rond de jambe par le bas de jambe. Le dessin du rond de jambe s’effectuant par le bas de jambe, celui-ci se doit d’être extrêmement mobile autant vers l’arrière du corps que vers l’avant.
La dissociation des deux parties de la jambe est décisive pour permettre une certaine aisance et liberté dans l’exécution du rond de jambe en l’air. L’une est un véritable socle pouvant s’allier à la stabilité suspendue du reste du corps (comme vu précédemment). Alors que l’autre est détendue et mobile pour répondre aux différentes exigences rythmiques (rapides ou lents), de nombres (simple ou double), de sens d’exécution (en dehors ou en dedans) des ronds de jambe en l’air.
En accentuant le travail de dessin et d’en-dehors du bas de jambe depuis la pointe des pieds
Maintenant que la jambe de terre, le bassin, le haut du corps et le haut de cuisse de la jambe en l’air sont stables et tenus, nous allons pouvoir regarder à la loupe ce travail de bas de jambe tout en mobilité et précision.
Le dessin du rond de jambe est en fait plutôt une ellipse, ou encore en forme de ballon de rugby. Mais à part les doubles ronds de jambe en l’air lorsqu’ils sont petits, le rond de jambe est rarement dessiné sous une forme de rond véritable.
Le véritable travail, en dehors de tracer un dessin linéaire par le bout de la pointe du pied, sera de conserver voir d’accentuer l’en-dehors du bas de jambe lors du traçage du dessin. Lors du passage vers l’arrière de la pointe du pied depuis le battement seconde au premier demi-rond de jambe jusque vers le genou, le bas de jambe doit conserver au maximum son en-dehors (ou au moins limiter la rotation naturelle vers l’en-dedans). Ensuite lors du tracé de la deuxième moitié du rond vers l’avant depuis le genou jusqu’à son extension seconde, nous pouvons plus facilement retrouver l’en-dehors du bas de jambe et même davantage l’accentuer. Il va de soi, que lorsque le rond de jambe va dans l’autre sens, nous conservons les mêmes exigences du bas de jambe aux moments adéquats.
Un autre challenge se présente à nous lorsque nous devons exécuter ces ronds de jambe de manière très rapide, comme pour des doubles ronds de jambe en l’air, par exemple. A ce moment là, le secret de la vitesse d’exécution réside dans le relâché du dessous de genou combiné au rebond donné au bas de jambe lors du passage vers le genou. Plus le bas de jambe est libre et musical, plus l’exécution du rond de jambe en l’air pourra être rapide et facile.
A l’inverse, lorsque nous avons le temps d’exécuter un rond de jambe en l’air et de manière détaillé, nous pouvons accélérer l’aller de son trajet et ralentir son retour. Ce fonctionnement permet de mettre en valeur, par la résistance du retour de bas de jambe, la qualité du geste et aussi son en-dehors par la même occasion.
Ainsi, par l’ensemble de ce travail de fond et de forme, nous faisons concorder la qualité de nos mouvements et notre stabilité, avec celui des exigences demandées en danse classique.
En quoi les ronds de jambe en l’air nous servent-ils par la suite ?
Les ronds de jambe en l’air se retrouvent en tout premier lieu de manière complètement identique à l’exercice de la barre, dans certains mouvements de la technique classique au milieu. Ainsi nous retrouvons les simples ou doubles ronds de jambes lorsqu’ils sont :
- Sautés dans certains enchaînements de sauts, sous la forme d’un balloné agrémenté d’un rond de jambe en l’air (variation de James dans la Sylphide, …)
- Sautés sur pointes (diagonale de la variation de Giselle acte 1 ou variation de la Dulcinée dans Don Quichotte, ou encore variation Aurore acte 3 La Belle au bois dormant, etc…)
- Relevés sur demi-pointes ou pointes (variation lente de Siegfried Lac des cygnes, variation de Roméo Roméo & Juliette acte 1, variation de Clara dans Casse-Noisette grands pas de deux, …)
Dans un second temps, nous retrouverons les qualités demandées des ronds de jambe en l’air, au travers du travail de l’arrondi de présentation et de transition du bas de jambe, dans des mouvements en dedans et surtout en dehors lors :
- Des présentations de pied, depuis le pointé derrière pour piquer en arabesque, par exemple; ou même simplement depuis la 5ème en développant le bas de jambe
- Des fouettés de coda, lorsque l’on ramène le pied dans un arrondi en dehors depuis la seconde avant de le redévelopper en 4ème devant. Tout comme dans les raccourcis retiré en tournant où le bas de jambe engage le mouvement de tours ou détourné
- Des développés (sur pointes, demi-pointes, sautés, pliés), pour amener une qualité d’en-dehors inégalable
- D’un enveloppé pour amener la qualité du retour de bas de jambe par l’en-dehors dans un mouvement de rond de jambe en dedans.
Nous retrouvons ce dernier type de mouvement dans énormément de transitions de pas sur la base d’un enveloppé de bas de jambe. Dans des pas simples et plus complexes de pointes (enveloppé- passé développé arabesque (mouvement Odette lac des cygnes par exemple), de la petite batterie (balloté enveloppé) ou encore des grands sauts de technique masculine, …
Prochain article sur les petits battements sur le coup de pied.
2 commentaires
Caroline
L’exercice semble beaucoup moins laborieux en effet lorsqu’on l’execute en gardant l’idée de repoussé. La jambe commence à s’alleger et l’exercice prend une dimension toute différente.
Diriez-vous que les mêmes images servent aux grands battements ? C’est un exercice que je subis réellement tant ma jambe est lourde. J’ai l’impression de « jetter » la jambe avec toute l’énergie du désespoir pour n’obtenir au final qu’une hauteur toute relative et une raideur de tout le tronc.
Eléonore Guérineau
Merci Caroline pour ce très juste parallèle avec les grands battements. Effectivement, nous utiliserons les mêmes dynamiques de repoussé et d’opposition dans les grands battements que dans les ronds de jambe en l’air. Je m’expliquerai davantage dans le prochain article sur les grands battements mais déjà vous pouvez imaginer la montée de la jambe comme un poids levé grâce à une poulie prenant son élan d’origine dans l’appui repoussé de la jambe de terre. La poulie se situant au niveau du haut du corps du côté de la jambe de terre. Cela allègera votre jambe en l’air, tout en n’oubliant pas un départ au sol du pied, bien glissé, en résistance et dans l’en-dehors; avant de la laisser partir dans la hauteur, guidée dans un tracé arrondi et étiré, en toute décontraction. Mais je préciserais tout cela dans le prochain article. Alors à très vite !